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Une charte peu ordinaire

La guérison du lépreux

Si la grande majorité des chartes qui nous sont parvenues sont de simples actes notariés (donations, cessions, échanges), un certain nombre apportent un précieux témoignage sur la vie de l’Ordre.

La charte qui va suivre provient du fonds Saint-Benigne des Archives Départementales de la Côte d’Or. On peut la dater, grâce aux personnes citées, entre 1129 et 1132. Le texte latin est extrait du Cartulaire du Marquis d’Albon. La traduction est signée templum-aeternum.net. Les images qui ornent cet article ont été empruntées à la superbe base publiée sur le site : http://www.enluminures.culture.fr.

Si l’objet de cette charte, la donation d’un tènement, c’est-à-dire d’un bien foncier, est banal, les circonstances et les modalités de cette donation le sont beaucoup moins.

Ecoutons donc l’histoire de ce chevalier du Dijonnais, Wido Cornelly, que nous retrouvons à la veille de son départ pour la Terre Sainte où il souhaite être reçu dans l’Ordre du Temple.

Wido Cornelly fait don de ses biens aux moines de Saint-Benigne de Dijon

Au nom de la Trinité sainte et une, devant tous, présents et à venir, nous proclamons que le tènement de Sigualdus qui se trouve sur la Tille du côté de Dijon, est passé sous l’autorité et la juridiction de Saint-Benigne.

Un chevalier du château de Tille appelé Wido Cornelly a épousé Rezvuide, la fille de Sigualdus. Comme il a vécu un certain temps avec elle, il en a eu trois enfants, des filles. Par un arrêt secret de Dieu, elle a contracté la lèpre et, comme la coutume veut dans le cas de cette maladie, elle a coupé tout lien avec lui et tous les autres hommes. Suite à cela, ce même Wido conçut le projet de se rendre à Jérusalem afin d’y d’exercer dans le Temple du Seigneur, au service de Dieu, jusqu’au terme de sa vie, son service armé . Mais il ne voulait pas laisser sa femme, à laquelle il avait promis de conserver sa foi jusqu’à sa mort, et les petites filles qu’il avait d’elle, sans conseil ni aucun secours. Ayant pris avec lui Herbert, abbé de Saint-Etienne de Dijon, Guillaume de Baudement, alors maître du Temple, ainsi que Payen de Bures, il se rendit à la maison de Pierre, abbé de Dijon, chez Raynier, le prieur de ce lieu, et leur enjoignit, par la bouche des personnes susdites, de s’occuper de sa femme et de ses filles, de prendre soin d’elles en toutes choses et de lui donner à lui-même suffisamment d’argent. Dès lors, eux-mêmes auraient et possèderaient en toute quiétude la totalité du tènement de Sigualdus, tant en fief qu’en alleu ou de tout autre manière, que lui-même possédait ou devait posséder. C’est pourquoi l’abbé et les moines, ne voyant aucun empêchement à prendre en considération la requête d’hommes si importants, décident d’un rendez-vous à Dijon, pour faire le partage définitif en présence de l’évêque, du duc et d’autres nobles. Le jour dit, en effet, les deux parties se réunissent et Wido, par la main du seigneur Guillencus, évêque de Langres, ainsi que de Hugues, duc de Bourgogne, et devant la foule des nobles qui étaient venus de partout, fit donation à Dieu et à Saint-Bénigne de Dijon, au seigneur Pierre, abbé, et aux moines de Dijon, sa femme, ses filles et tout le tènement de Sigualdus, son père […]. Sans rien en retenir, il le leur donna et leur permit de le posséder perpétuellement. Quant à lui, il reçut des moines mille sols et deux chevaux.

Témoins présents : Guillencus, évêque de Langres ; Pierre, abbé de Dijon ; Herbert, abbé de Saint-Etienne ; Raynier, prieur de Dijon ; Pons, archidiacre de Langres ; Garnier, prévôt de Saint-Etienne ; Hugues, duc ; Eblon, comte de Sauz ; Aymon, du château de Tille ; Garnier de Sombornon ; Evin de Beria ; Josbert, vicomte ; Gautier Malvoslet ; Thierry de Favernes ; Widricus chevalier du Castel ; Wido l’aîné et beaucoup d’autres nobles.

St Martin et le lépreux

Le texte de la donation de Wido Cornelly

charte de Saint-Benigne de Dijon